Devenez une entreprise engagée avec le Parental Challenge
Pour une parentalité accompagnée et sans tabous au travail
Chez Enoa, le sujet de la parentalité est clé.
Nous rencontrons au quotidien, dans l’exercice de notre profession, beaucoup d’entreprises qui cherchent des solutions/actions à mettre en place autour de la parentalité. Il y a encore beaucoup à faire ! Et nous avons été séduites par l’approche du Parental Challenge.
Nous sommes ainsi très heureuses de vous présenter aujourd’hui Selma El Mouissi, Lead Program Manager chez Haigo et l’une des 4 co-fondatrices du Parental Challenge.
Qu’est ce que le Parental challenge ?
Le Parental Challenge est un mouvement que j’ai créé avec Judith Aquien, autrice de Trois mois sous silence, le tabou de la condition des femmes en début de grossesse, et Isma Lassouani et Clémence Pagnon, qui sont les co-fondatrices d’Issence, une entreprise dédiée à l’accompagnement de la parentalité en entreprise, grâce à des formations pour les managers, des coaching pour les salarié-es, etc.
Nous ne sommes ni une entreprise, ni une association, et nous avons lancé ce mouvement en parallèle de nos jobs respectifs.
Nous n’avons également aucun objectif de rentabilité financière. Notre seul objectif est d’aider les entreprises à mieux accompagner ce sujet, en leur mettant à disposition des outils concrets et pragmatiques, qui facilitent le passage à l’action.
Concrètement, nous mettons à disposition, gratuitement, sur notre site parentalchallenge.com :
> un guide pratique et très complet qui apporte, à chaque étape de la parentalité, des idées d’actions à lancer pour mieux accompagner les parents-salarié-es, des exemples concrets de mesures mises en place par d’autres entreprises, des rappels du cadre légal…
>une charte : nous invitons les entreprises à la signer pour signifier leur engagement à mettre en œuvre, intégralement, les 12 mesures qui la compose dans l’année suivant leur signature.
Nous avons aujourd’hui 92 organisations signataires de la charte, qui se sont ainsi engagé-es à améliorer le quotidien de leurs 5,493 salarié-es.
Comment vous est venue l’idée de créer ce mouvement ?
Je crois que c’est parti d’abord d’un constat personnel / individuel, lorsque nous avons été confrontées à la maternité. Pour Judith, Isma et moi, cela a été en attendant un enfant, puis en devenant mères. Et pour Clémence, dans son expérience de doula.
Au-delà, de nos expériences personnelles, nous avions toutes les 4 pris conscience du côté systémique de ce problème, avant même de nous rencontrer, et nous avions commencé à agir chacune à notre façon : Judith en écrivant son livre Trois mois sous silence, le tabou de la condition des femmes en début de grossesse (Payot, 2021), Isma et Clémence en montant leur entreprise Issence. Et enfin moi-même lorsque j’ai mené mes recherches pour lancer la première politique parentale d’Haigo, mon entreprise.
Nous avons toutes été confrontées à des statistiques et à des témoignages édifiants.
On peut citer notamment, le fait qu’1 femme sur 10 cache sa grossesse le plus longtemps possible par crainte de la réaction de son employeur (1). Ou que près d’un tiers des femmes ont eu le sentiment que l’annonce de leur grossesse a dérangé leur manager. (2)
Que 66% des parents confient des difficultés de conciliation vie pro – vie perso avec un enfant 0-3 ans. (3)
Que 80% des femmes ont entendu, sur leur lieu de travail, des remarques sexistes liées à la maternité, et 56% des hommes en ont été témoins (4). Par exemple : “Mieux vaut recruter un homme, au moins il ne partira pas en congé maternité” (entendu par 47% de femmes et 29% d’hommes témoins),
Et que 59% des hommes ont entendu, sur leur lieu de travail, des remarques sexistes liées à la paternité, et 60% des femmes en ont été témoins. Par exemple : “C’est pas ta/sa femme qui récupère ton/tes/son/leur enfant(s) le soir ?” (entendu par 44% d’hommes et 43% de femmes témoins) (5),
Nous avions envie d’agir pour que cela cesse. Convaincues que les entreprises pouvaient être à la genèse de grands changements sociétaux, nous souhaitions initier un changement en profondeur du traitement réservé à la parentalité au sein des organisations. C’est pourquoi la charte ne comporte pas 1 mais 12 mesures, et que le coût de ces mesures est bien plus souvent humain et culturel, que financier.
Parle nous de la team Parental Challenge ! Vous êtes 4. Comment vous êtes-vous rencontrées ?
Il y a 2 ans, je suis tombée enceinte, en même temps que 2 autres femmes d’Haigo, l’entreprise que je travaille, qui est un studio de transformation par le design.
Nous sommes une vingtaine de salarié-es et nous n’avions pas eu de parents salarié-es jusqu’à présent. Côté entreprise, on manquait d’expérience pour gérer au mieux la situation, et côté salarié-es on étaient un peu perdues étant donné qu’il n’y avait pas de précédent, et que les choses n’avaient pas encore été processisées, documentées, etc.
Bref, je me posais mille questions aussi terre-à-terre qu’essentielles comme : est-ce que mon salaire va être maintenu à 100% pendant mon congé maternité ?
J’ai posé ces questions au fondateur d’Haigo, Guewen Loussouarn, qui m’a encouragée à recueillir les besoins des collaboratrices concernées pour voir comment Haigo pourrait nous accompagner au mieux. J’ai donc appliqué nos méthodologies design sur nous-mêmes et j’ai construit la 1ère politique parentale d’Haigo, en lançant une dizaine de mesures.
J’ai fait beaucoup de recherches à cette période. Et j’ai rencontré Isma et Clémence lors d’un événement de Welcome To The Jungle consacré à l’accompagnement de la parentalité en entreprise. Avec elle, est née l’idée d’un “petit” guide pratique à destination des RH (on était encore loin du guide super complet, de quasi 200 pages que l’on a finalement écrit). En parallèle, j’ai aussi rencontré Judith, dont j’avais adoré le livre, et avec qui est née l’idée de la charte.
Je me suis dit qu’il y avait des synergies évidentes entre nous 4, et entre ces 2 idées de guide et de charte. En effet, le guide pouvait permettre de donner une vision complète et détaillée du champ d’action possibles et aurait aussi une dimension pédagogique avec les rappels du cadre légal, tandis que la charte serait une sélection de mesures du guide, pour aider les entreprises à savoir par où commencer pour se mettre à l’action rapidement.
J’ai joué l’entremetteuse, le quatuor s’est créé, nous nous sommes mises au travail.
Peux-tu nous décrire les entreprises qui ont déjà signé le pacte ?
Quelles typologies d’entreprise ? Ce qui les a motivé à signer et s’engager ?
Nous avons aujourd’hui 92 organisations signataires de la charte, qui se sont ainsi engagé-es à améliorer le quotidien de leurs 5,493 salarié-es. Comme le ratio entreprises vs. salarié-es le montre, ce sont plutôt des entreprises à taille modeste.
Nous avons de très petites structures comme, par exemple, le podcast Bliss qui compte 2 salariée-s, ou encore vous Enoa RH Consulting 12, que nous sommes ravies de compter parmi nos signataires les plus engagés.
Nous avons également des PME (Veja, Morning, SoPress le groupe de press de So Foot et So Film) et des plus grandes entreprises, comme ManoMano, Dataiku, Payfit et Openclassrooms, qui comptent entre 500 et 1,000 salariée-s.
Quels sont vos objectifs (quanti & quali) d’ici la fin de l’année ?
Avant de vous expliquer nos objectifs, j’aimerais en dire un peu plus sur la philosophie dans laquelle s’inscrit le Parental Challenge.
Si je n’avais qu’un mot pour la résumer ce serait l' »inclusion« .
En lançant ce mouvement, nous avons à cœur l’inclusion des parents dans les entreprises, afin que leur parentalité ne vienne plus entraver leurs carrières.
Mais aussi l’inclusion des femmes, qui sont souvent les premières victimes des discriminations liées à leur maternité (à l’embauche comme en poste).
Nous souhaitons inclure tous les parcours parentaux : PMA, adoption, seconds parents.. qui figurent, tous, dans le guide ainsi que dans la charte.
Et, enfin, il est important pour nous d’inclure tous types d’organisations : entreprises, administrations publiques associations, petites et grandes structures, implantées partout en France (et parfois même au-delà), c’est pourquoi les actions du guide sont classées selon leur coût et que 2/3 d’entre elles sont 100% gratuites. Et que la charte, bien que comportant quelques actions coûteuses, reste très accessible.
Cela étant dit, concernant nos objectifs, nous souhaitons bien sûr avoir le plus grand impact possible, cela se traduit bien sûr par un enjeu de volume : obtenir le plus grand nombre d’entreprises signataires possibles, et donc, cumuler un grand nombre de salarié-es impactée-s. Nous souhaitons continuer à toucher des petites entreprises, mais nous souhaitons également avoir des grands groupes comme signataires. Les grands groupes sont structurellement plus lents à signer car il y a des échéances bien précises de renégociation des accords salariaux avec les représentants du personnel. Mais nous avons, dès le lancement du Parental Challenge, échangé avec des grands groupes, et nous devrions annoncer de belles signatures très prochainement.
Au-delà du volume, parce que l’inclusion est notre mantra, nous avons également un enjeu de diversité parmi les signataires. Pour l’instant, nous avons beaucoup d’entreprises parisiennes parmi les signataires, tout simplement car nous sommes 3 des 4 fondatrices du mouvement à habiter Paris. Et que nous avons, naturellement, commencé par contacter les signataires qui gravitent dans notre écosystème. Un autre de nos objectifs est, donc, de toucher davantage d’entreprises implantées en région.
Quelle est LA mesure du pacte qui te parle le plus ?
C’est difficile d’en choisir une, car on les a sélectionnées avec soin et conviction et que chacune a une signification particulière pour nous.
Je triche un peu et en garde deux.
LA seule mesure qui est le prérequis de tout le reste, qui peut paraître hyper basique, mais qui est trop peu appliquée, c’est le fait d’appliquer la loi, et de communiquer leurs droits concernant la parentalité à tous les salarié-es.
Concrètement, cela veut dire recenser dans une sorte de guide (peu importe son format) les droits des salarié-es afin que le salarié puisse accéder à cette information, en autonomie, à tout moment. Et donc, que personne n’ait pas à annoncer son désir de parentalité (dans le cadre d’un parcours PMA, ou au début d’un parcours adoption, qui sont des parcours qui donnent déjà accès à des droits particuliers), ou sa parentalité à venir (grossesse), pour connaître ses droits.
Aujourd’hui, plus de la moitié des salarié-es déclarent mal connaître leurs droits liés à la parentalité(6). Et je pense que ce chiffre est largement sous-estimé, car en créant le Parental Challenge, je peux vous dire que j’ai pris conscience de plein de mes droits que je ne connaissais pas, et que je continue à en apprendre chaque jour. Les droits sont déjà parfois méconnus des RH, donc je ne parle pas des salariée-s.
Or le savoir c’est le pouvoir. Comment faire valoir ses droits quand on ne les connaît pas ? C’est la base de tout !
Dans le guide nous proposons des rappels légaux du droit du travail, ce qui facilite le travail de recensement pour les RH (qui devront néanmoins compléter ces mesures de celles de leur convention collective, et de celles qui ont été mises en place proactivement par leur entreprise)
L’autre mesure dont j’ai envie de parler, c’est la mesure qui s’est imposée comme une évidence pour tous nos signataires, sans exception : les 3 jours d’arrêt rémunérés en cas de fausse couche.
Une fausse couche, c’est évidemment un traumatisme énorme, physique, pour la femme enceinte, qui le vit dans sa chair, mais aussi psychique, pour le-s futur-s parent-s, femmes comme hommes.
Certains se demandent quel rôle l’entreprise a à jouer dans une épreuve si intime. Déjà, il faut savoir qu’une grossesse sur quatre n’arrive pas à son terme (on parle de “fausse couche”, ce qui correspond concrètement à un arrêt naturel de la grossesse)(7). C’est énorme ! Il y a beaucoup de salarié-es qui vivent cette épreuve en silence, et retournent parfois travailler, dès le lendemain, car les professionnels de santé ne pensent pas tous à proposer un arrêt médical. Certains recommandent même à leurs patients d’aller travailler pour ne pas trop ruminer…
Pour expliquer pourquoi 3 jours d’arrêt : cela correspond au nombre de jours de carence. Certaines entreprises s’en affranchissent, mais pas toutes, et pour les salarié-es de celles qui ne le font pas, c’est une double peine, car en plus de traverser un véritable drame, certaines femmes, qui ne peuvent pas se permettre cette perte de salaire, se retrouvent ainsi précarisées.
Cette mesure, ça a été vraiment le “no brainer” / l’évidence pour tous nos signataires.
Le mot de la fin ? Un message à faire passer aux entreprises ?
Le Parental Act l’a prouvé, les entreprises ont un grand rôle à jouer dans l’évolution de la société. L’allongement du congé second paternité est venu des entreprises privées, et c’est cela qui a permis de faire avancer le droit du travail. Passez à l’action, pour le bien-être de vos salarié-es mais aussi pour prendre votre part dans l’évolution de la société, et devenez signataire du Parental Challenge ! : https://parentalchallenge.com/
Merci pour ton temps, Selma !
Vous souhaitez rejoindre les organisation signataires de la charte, ou lire le guide Parental Challenge dés maintenant ici : https://parentalchallenge.com
1 Sondage ODOXA pour PremUp, Femme enceinte et environnement, avril 2015.
2 Étude menée auprès de 37 000 salariés par le CSEP et l’Institut BVA en 2018.
3 INSEE : Conséquences sur l’emploi des femmes, 2020.
4 Étude menée auprès de 37 000 salariés par le CSEP et l’Institut BVA en 2018, publiée en 2019.
5 Étude menée auprès de 37 000 salariés par le CSEP et l’Institut BVA en 2018, publiée en 2019.
6 Étude menée auprès de 37 000 salariés par le CSEP et l’Institut BVA en 2018, publiée en 2019.
7 Martine Lochouarn, “La fausse couche concerne une femme sur quatre”, LeFigaro.fr, 12 décembre 2013.
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